voler pour voler
comme si le village
était un dépanneur
où tout le monde perd à la loterie
comme si le village
était un dépanneur
où tout le monde perd à la loterie
au commencement
les hommes restaient à terre
les grands airs
c'était pour les oiseaux, les mouches et les politiciens
les hommes restaient à terre
les grands airs
c'était pour les oiseaux, les mouches et les politiciens
les cigales
essouflées
chantaient leur champ essouché
sans paroles
essouflées
chantaient leur champ essouché
sans paroles
on laissait la terre
autour de la carotte
pour goûter au pays
qui viendra nous manger
autour de la carotte
pour goûter au pays
qui viendra nous manger
le brouillard du matin
sur le rang glissait
comme une chemise repassée
par les anges
sur le rang glissait
comme une chemise repassée
par les anges
on ne parlait pas
on vivait trop
les femmes s’usaient à enfanter
les hommes à faire les foins
on vivait trop
les femmes s’usaient à enfanter
les hommes à faire les foins
des automnes occupés
à éplucher la providence
à égrainer des chapelets
à travers les trous de bas
à éplucher la providence
à égrainer des chapelets
à travers les trous de bas
des hivers à attendre
à gosser des bouts de soi
pour passer le vent
qui rasait la face d’la neige
à gosser des bouts de soi
pour passer le vent
qui rasait la face d’la neige
se faire déraciner
par les oreilles
par une armée de beaux-parleurs
le volume du futur à onze
par les oreilles
par une armée de beaux-parleurs
le volume du futur à onze
rouler ses r
dérouler sa langue
pour mesurer en pied
l’énormité de la chose
dérouler sa langue
pour mesurer en pied
l’énormité de la chose
est-ce que la terre hurle
quand on l’abandonne
est-ce que la terre s’inonde
pour pleurer
quand on l’abandonne
est-ce que la terre s’inonde
pour pleurer
allumer sa femme
les yeux de ses enfants
s'éteindre
devant sa maison en feu
les yeux de ses enfants
s'éteindre
devant sa maison en feu
1969.
Annonce de la construction d'un aéroport dans les Basses-Laurentides
Annonce de la construction d'un aéroport dans les Basses-Laurentides
À Pickering, en Ontario, les expropriés ont reçu 2500$ l'acre. À Mirabel, la moyenne était entre 200$ et 300$ l'acre.
« On a appris ça par les médias, la radio, à trois heures de l'après-midi, le 27 mars 69 »
Réjean Éthier, exproprié
Réjean Éthier, exproprié
« Aussitôt qu'on allait porter les clés, pendant la nuit, automatiquement la maison était pillée [...], le lendemain, un inspecteur passait et faisait un rond rouge sur la porte: à démolir! »
Réjean Éthier, exproprié
Réjean Éthier, exproprié
12 000 personnes, certains propriétaires indépendants deviendront locataires dépendants de l'état fédéral. Certains seront évincés sur le champ. Les autres attendaient avec angoisse leur avis d'éviction.
« Aujourd'hui, c'est 35 000 $ pour ta maison, si vous ne signez pas, c'est 5000 $ de moins et la semaine d'après 5000 $ de moins. Ça fait que les gens signaient. »
Rita Lafond, expropriée
Rita Lafond, expropriée
Maisons et bâtiments des expropriés serviront d'exercices de feu et de dynamite aux pompiers et militaires avec l'accord du fédéral.
perdre le goût de l’orignal
chasseur chassé
se caller le cœur
sans réponse
chasseur chassé
se caller le cœur
sans réponse
trop pleurer son chien
toutes les larmes de son sort
de la peine d’homme
embouteillée tout croche
toutes les larmes de son sort
de la peine d’homme
embouteillée tout croche
une paroisse étrange
pleine de rêve à terre
survivre, pousseux de crayon d'un autre
s'effacer
pleine de rêve à terre
survivre, pousseux de crayon d'un autre
s'effacer
sur le carrousel
voir l'énorme valise de sa vie
rêver de devenir
bagage à main
voir l'énorme valise de sa vie
rêver de devenir
bagage à main
partir pour toujours
en voyage organisé
haut les mains
donne moi ton coeur
en voyage organisé
haut les mains
donne moi ton coeur
gouverné par le fils de l'autre
dans le champ
d'un semblant de pays
« sunny ways my friends, sunny ways »
dans le champ
d'un semblant de pays
« sunny ways my friends, sunny ways »
lire sur les pancartes
en dessous de « Mirabel »
le nom des villages entre parenthèses
à voix basse
en dessous de « Mirabel »
le nom des villages entre parenthèses
à voix basse
Projections des routes à développer
dans le traffic
le présent crie
que le passé n'existe pas
mais chaque plaque se souvient
le présent crie
que le passé n'existe pas
mais chaque plaque se souvient
l'odeur de la moufette
qui embrasse la bande rugueuse
et avant de mourir se dit
« j'ai touché la lumière »
qui embrasse la bande rugueuse
et avant de mourir se dit
« j'ai touché la lumière »
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pas de travailleurs
pour l’ouvrage ordinaire
regarde-nous maman
vivre pas de mains
pour l’ouvrage ordinaire
regarde-nous maman
vivre pas de mains
devant les maisons toutes pareilles
les enfants font semblant
que l'asphalte
a toujours existé
les enfants font semblant
que l'asphalte
a toujours existé
moins voler pour voler
pour panser la planète
se demander où s'en va le monde
à pied
pour panser la planète
se demander où s'en va le monde
à pied
CYMX, une oeuvre hypermédiatique sur l'aéroport de Mirabel par Isabelle Gagné - © 2022
Texte: Marie-Ève Bouchard (MEB) - Parcours sonore: Isabelle L. Bédard
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